Devenir coursier pour Take Eat Easy, Deliveroo, Stuart, Foodcheri, Foodora…. 1: Take Eat Easy

Attention cet article est ancien, je vous conseille après sa lecture de jeter un oeil à mon dernier article sur mon nouveau blog (s’ouvre dans une nouvelle fenêtre): http://www.devenircoursiervelo.com/2016/06/03/take-eat-easy-le-point-apres-5-mois-en-tant-que-coursier/

Présentation du marché de la livraison

Si vous vous intéressez au métier de coursier à vélo, il ne vous a sans doute pas échappé en consultant les offres d’emploi que, d’innombrables annonces du type ‘gagnez jusqu’à 25 euros de l’heure’, ‘150 euros par jour’ fleurissent un peu partout. Des titres racoleurs mais qu’en est-il de la réalité?

La livraison à vélo connait un boom depuis quelques mois, et au delà de la dizaine de ‘stars’ du secteur, qui ont parfois droit à un reportage télé ici où la, il existe des tas de petites boites sur ce créneau.

La majorité de ces boites sont liées au domaine de la restauration (ce qu’on appelle la ‘Foodtech’): elles assurent l’intermédiaire de livraison entre les restaurants (qui n’ont pas les moyens de se payer une flotte de livreurs) et les consommateurs via des applications mobile ou PC. D’autres exploitent le nouveau filon dit du ‘dernier kilomètre’: c’est à dire acheminer les commandes e-commerces directement à la personne, en évitant de lui faire perdre sa journée à attendre le livreur, où d’avoir à aller chercher le colis dans un point relais. Dans ce cas le rdv est fixé à une heure précise, souvent en dehors des heures de bureaux quand les gens ont justement terminés leur journée de boulot.

Certaines de ces boites (Take Eat Easy, Deliveroo, Foodora par exemple) ont levés des millions d’euros pour tenter de rapidement s’approprier le marché, ce qu’on appelle la prime au vainqueur, car à long terme il semble difficile d’avoir de la place pour plusieurs sociétés.

Du coup, l’argent coule à flot, et ça recrute à tout va avec de belles promesses. Il y a toutefois une chose à garder en mémoire: aucune de ces boites ne recrute de coursiers-livreurs via des contrats de travail classiques: le personnel est indépendant, au statut auto entrepreneur. Les conséquences sont un travail précaire, et peu de vision à long terme car la boite fait un peu ce qu’elle veut.

C’est ce statut qui permet le développement rapide de ces startup: sans charges sociales à payer (ce sont les auto entrepreneurs qui s’en acquittent), c’est un gain financier énorme si on multiplie par 100, voire 1000 coursiers!

C’est ce qu’on appelle le modèle ‘Uber’, du nom de la société de mise en relation de transport de personne qui fait tant parler d’elle de par sa concurrence des taxi traditionnels. Même si pour la livraison de plats cuisinés c’est un poil différent, car la place n’était pas prise auparavant (si ce n’est via certaines flottes à scooter de livraison de restaurants de type pizza/sushi). Cela n’empêche pas ces startup d’avoir une très mauvaise réputation auprès du petit milieu cycliste parisien (et au delà). On va voir pourquoi.

Je vous propose un tour d’horizon des boites que je connais, en commençant par Take Eat Easy

Take Eat Easy (TEE)

C’est la première boite avec laquelle j’ai bossé. J’ai postulé sur internet, en remplissant un formulaire tout bête (nom, prénom, adresse, etc…), puis j’ai eu à lire une FAQ expliquant leur fonctionnement.

J’ai reçu ensuite le lien d’un quizz. Une partie des questions permettait de vérifier qu’on avait bien lu la FAQ, vraiment facile.

Puis quelques questions pour vérifier sa connaissance de Paris: n’étant pas Parisien j’ai un peu coincé sur certains points, mais rien de bien difficile ici aussi (et on peut checker sur google map ;)).

Trois jours après j’ai reçu un email m’informant que j’avais réussi le quizz! A partir de là j’ai pu compléter mon profil (Siret notamment) et réserver une date pour une séance de formation.

La séance est présentée par deux coursiers. On vérifie tout d’abord nos vélos: sur ce point TEE est plus stricte que toutes les autres boîtes: désormais les seuls vélos autorisés sont les vélo de routes, fixies afin de donner une image branchouille à la startup. Exit les vélos de villes ou autres VTT.

On nous explique ensuite le fonctionnement des ‘shifts’ (les créneaux horaires dans le jargon de la livraison), quelques détails pratiques puis par binôme on est associé à un coursier pour une soirée de test (jusqu’à 22h30 à peu près).

En gros il suffit d’arriver à suivre le coursier. Pas difficile quand comme moi on se mange 40 compétitions par an, mais dans la circulation parisienne c’est assez sportif! Le coursier nous laisse ensuite son sac pour une course ou deux,c’est à dire entrer dans les restos pour annoncer le numéro de commande, récupérer les sacs et les livrer ensuite aux clients. Je n’ai pas eu à chercher ma route, le coursier se chargeant de l’itinéraire (heureusement pour moi, car à ce moment là j’étais loin de pouvoir me repérer dans Paris :D).

A la fin du ‘shift’, le coursier m’annonce qu’il est satisfait de moi et qu’il transmet donc son avis favorable à sa hiérarchie!

Dès le lendemain je reçois un appel de la personne en charge des coursiers: je peux passer venir signer le ‘contrat’ et chercher mon sac, et donc commencer à bosser!

Comment se passe le boulot?

Chez TEE, contrairement à d’autres boites du secteur, on n’est pas associé à un arrondissement en particulier: on peut se placer en début de shift où l’on veut dans Paris (et dans certaines villes limitrophes comme Boulogne Billancourt), et être amené à se déplacer dans tous Paris au fil des livraisons.

En pratique, et dans mon cas, en partant de la Place de la République (lieu de départ de beaucoup de coursiers), je roulais autour de la place sans trop m’éloigner: 10e, 11e, 3e, un poil de 19e/20e voire 18e. De temps en temps j’allais franchir la Seine pour livrer vers Notre Dame. De toute façon la longueur des courses est limitée à 4km.

Voici comment se passe le boulot concrètement (cela reste valable pour toutes les boites): il faut tout d’abord avoir réservé ses créneaux sur le site, sans cela impossible de bosser. Ensuite il faut se rendre sur place et se connecter à l’appli, 15 minutes avant le début du shift.

Dès qu’une course nous est attribuée, le téléphone bippe (3G/4G obligatoire avec un bon forfait): il faut accepter obligatoirement la commande. Le nom et l’adresse du resto ainsi que celle du client à livrer sont ensuite affichés, avec les liens pour ouvrir google maps.

Une fois au resto, il faut annoncer son numéro de commande, et dans le meilleur des cas il suffit de la récupérer directement. En général il faut attendre 2 à 5 minutes, parfois plus longtemps (mon record c’est 50 minutes d’attente!).

Après avoir validé la récupération du repas sur l’appli, direction l’adresse client en essayant de faire attention au repas si celui ci est fragile (pizzas, soupes…).

Une fois sur place, toutes les indications utiles sont affichées sur l’appli: code porte, interphone, étage, etc… voire numéro de téléphone pour contacter la personne si celle ci a omis des infos.

Je rentre ensuite systématiquement le vélo dans le hall, c’est un gain de temps énorme comparé au fait de devoir chercher un point d’attache et de placer l’antivol.

Après souvent quelques étages à grimper, le classique ‘Bonsoir, bon appétit et bonne soirée’, on peut valider sur l’appli la livraison effective du repas.

On rentre alors en attente d’une nouvelle course. Parfois elle arrive en moins d’une minute, parfois il faudra patienter 20 minutes.

Le cycle se renouvelle, en général 6 à 9 fois par créneau de 4 heures. Compter 25 à 40 km par soirée.

Combien c’est payé?

Il y a beaucoup d’idées reçues à ce sujet, que je vais essayer de démonter :p

Pour commencer, oui (forcément!) les chiffres annoncés (3500 € par mois, 150€ par jour, 25€ par heure, etc…) sont très difficilement atteignables (c’est valable pour toutes les boites du secteur). Cela peut arriver, mais dans des cas particuliers, avec accumulation de bonus par exemple.

A contrario, et pour démonter ce qui ce dit sur certains forums (par des jaloux?) c’est un boulot qui permet de gagner bien plus que le SMIC.

Une soirée normale chez TEE (shift de 3h45), c’est environ 7 courses à 7.5€, soit une cinquantaine d’euros. Certains grimpent même à 11 courses, soit plus de 80€! Si il y a moins de courses, un montant minimum de 45 euros est tout de même assuré.

En faisant également le midi, c’est 11 à 15 courses par jours d’assurées, soit 75 à 112€. Multipliez par 30, et le SMIC est très largement dépassé (même sur 22 jours ouvrés on est bien au dessus, car je n’ai pas comptabilisé les divers bonus)!

Même au taux horaire, on est largement au dessus du SMIC: si je fais la moyenne des mes heures bossées en janvier (avec les bonus divers qui sont ajoutées lors de la facturation), je suis à un peu plus de 14€ brut par heure, ce qui donne 10,6€ net après paiement des charges sociales, soit 1.4 fois le SMIC!

C’est à peu près le taux horaire de ma première fiche de paie en tant… qu’ingénieur en SSII en 2007!

Alors oui c’est précaire, il n’y pas de vision à long terme, de congés payés, etc…, mais ce n’est pas sous payé, loin de là!

Et l’on peut bosser (et réellement travailler, pas faire de l’astreinte) tous les jours, midi et soir, ce qui représente environ 7 heures par jour.

Et encore, en tant que nouveau je n’étais pas prioritaire pour l’attribution des commandes, ce qui fait que je poireautais souvent une heure avant ma première commande. Les gars plus anciens, qui sont appelés en début de créneaux et qui arrivent à totaliser 11 courses par shift sont à 22 euros brut de l’heure!

Avantage et inconvénients de Take Eat Easy

On va commencer par les avantages:

  • boite orienté ‘vélo sportif’, ‘cool’: ils veulent communiquer sur leur côté ‘hipster’/fixie et refusent désormais les VTT, vélos de ville pour maintenir cette image de marque
  • bonne paye: au taux horaire ce sont certainement les meilleurs (pour peu que l’on ai l’ancienneté pour être appelé du début à la fin de son shift)
  • des partenariats avec des boutiques de vélo, avec possibilité de faire des achats HT
  • grande flexibilité des horaires (en théorie, voir les points plus bas): on choisi ses créneaux chaque semaine, et on peut également se désinscrire (minimum 48h avant le shift)

Et les hics, qui font que je ne bosse plus pour eux actuellement (mais pour d’autres boites similaires):

  • Pour assurer un nombre maximal de courses à chaque coursier inscrit, ils ont réduit le nombre de places sur les créneaux. Sur le principe c’est une bonne nouvelle, sauf que je me suis levé un matin avec 3 semaines d’emploi du temps complètement remplis. En gros, sans solution de replis, je ne pouvais plus travailler pendant un mois, sympa moi qui était à ce moment là dans la merde financièrement!
  • même cause, même conséquences: lors de l’ouverture d’une nouvelle réservation (chaque lundi soir, pour la semaine à S+4), tout le monde se connecte et le serveur rame et plante. En quelques minutes tout est plein, il est difficile de s’inscrire sur les créneaux de son choix. N’ayant pas l’ancienneté nécessaire, je n’ai même plus accès aux shifts longs (en gros je ne peux plus que bosser 2h30 par soir au lieu de 3h45). La flexibilité du système, qui était un de ses attraits, a complètement disparue.
  • Modification à la volée des rémunérations: les bonus week end ont disparu quasiment du jour au lendemain, les minimums ont baissés tout aussi soudainement (certes, cela a été compensés par le fait d’avoir plus de courses)
  • Infantilisation des coursiers, avec distributions de ‘mauvais points’ (dont les critères sont discrètement remaniés dans la FAQ sans prévenir), alors qu’on est censé être indépendant. Il suffit de deux mauvais points (désinscription à moins de 48h du shift, couverture 3G < 90%, ou encore être incapable de réparer une casse vélo) pour perdre l’intégralité des minimums et des bonus. A l’époque où il y avait peu de courses, et que les soirées étaient garanties à 50€ minimum, cela pouvait faire perdre un millier d’euros pour un gars qui bosse à temps plein!
  • Transformation en livreur de pizza, avec caisse ou rack avant obligatoire, on est loin de l’image hipster cool!

Au final comme je l’écrivais précédemment je ne bosse plus pour eux pour le moment, mais j’ai quelques shifts réservés pour début mars, je verrais à ce moment là si je continue ou pas avec eux.

Rajout du 10 mars:

TEE a upgradé son serveur, il est à nouveau possible de réserver des shifts sans plantage serveur lors de l’ouverture d’une nouvelle semaine, mais il faut toujours être très rapide, tout part en moins d’une minute!

A venir, la présentation de Stuart et de Deliveroo, les deux autres boites de livraison pour lesquelles je bosse actuellement.

29/02/2016: Article sur Stuart

10/03/2016: Article sur Deliveroo

 

Attention cet article est ancien, je vous conseille pour compléter de poursuivre sur mon nouveau blog pour avoir les dernières news! (s’ouvre dans une nouvelle fenêtre): http://www.devenircoursiervelo.com/2016/06/03/take-eat-easy-le-point-apres-5-mois-en-tant-que-coursier/

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